le pouvoir

"...Ce qu'il faut bien comprendre c'est que le pouvoir sans l'amour est abusif et dénué de scrupules, de même que l'amour sans le pouvoir est sentimental et anémique.
Le pouvoir, sous son meilleur jour, c'est l'amour accédant aux exigences de la justice.
La justice, sous son meilleur jour, c'est le pouvoir écartant tout ce qui s'oppose à l'amour.
...
C'est précisément ce heurt entre un pouvoir immoral et une moralité dénuée de pouvoir qui constitue la crise majeure de notre temps."
Martin Luther King

Ce texte a été écrit par Martin Luther King à l'époque où le slogan "Black power" ("Pouvoir noir") côtoyait le slogan "Freedom now" ("La liberté maintenant") dans les marches, et qu'une division apparaissait entre les adeptes de la non-violence et de la mixité raciale dans les manifestations, et ceux qui prônaient une révolution violente excluant les blancs des actions contre la discrimination.
Ce débat l'a aussi opposé à Malcolm X qui jugeait l'action non-violente de Martin Luther King trop molle parce que ce dernier parlait du pouvoir de l'amour pour transformer le coeur de l'ennemi, et de tendre l'autre joue lorsqu'on vous gifflait.
vidéo de Malcolm X sur you tube à ce propos
Malcolm X y dit que Martin Luther King veut laisser les "nègres" (c'est le mot qu'il utilise) sans défense, qu'il veut que ceux-ci pardonnent à leur oppresseur et s'assoient dans le même restaurant (c'était un des combats de Marin Luther King dans le Sud des Etats-Unis).

réponse de martin Luther King (en anglais, j'ai traduit grosso modo quelques passages, c'est un peu chaud...)

"Je ne pense pas à l'amour en tant que faiblesse, mais en tant que puissance. Nous ne sommes pas engagés dans un combat où ne ne faisons rien. Il ne faut pas confondre non-résistance et non-violence. La non-résistance vous laisse dans un état de stagnation passive, alors que la non-violence est synonyme de résister d'une manière forte et déterminée.
Ceux qui critiquent la non-violence doivent savoir que nous parlons de quelque chose de très fort...

...
La non-violence crée une perturbation dans la conscience."


Il est vraiment intéressant de sonder son esprit pour savoir quelles connotations nous apposons aux mots amour et pouvoir...pour parfois se rendre compte que nous les avons inconsciemment séparés

« Or, l’étude de cette microphysique (du pouvoir) suppose que le pouvoir qui s’y exerce ne soit pas conçu comme une propriété, mais comme une stratégie, que ses effets de domination ne soient pas attribués à une « appropriation », mais à des dispositions, des manœuvres, à des tactiques, à des techniques, à des fonctionnements ; qu’on déchiffre en lui plutôt un réseau de relations toujours tendues, toujours en activité plutôt qu’un privilège qu’on pourrait détenir ; qu’on se donne comme modèle la bataille perpétuelle plutôt que le contrat qui opère un cession ou la conquête qui s’empare d’un domaine. Il faut en somme que ce pouvoir s’exerce plutôt qu’il ne se possède, qu’il n’est pas le privilège acquis ou conservé d’une classe dominante, mais l’effet d’ensemble de ses positions stratégiques – effet que manifeste et parfois reconduit la position de ceux qui sont dominés. » M. Foucault, Surveiller et Punir

En d'autres termes, il n'y aurait pas d'un côté, ceux qui ont le pouvoir et de l'autre ceux qui ne l'ont pas, mais un réseau serré d'influences multiples.

En pratique, cela signifie selon moi qu'il ne s'agit pas tant de donner le pouvoir à la bonne personne ou au bon parti, que d'identifier les stratégies en application et d'en construire d'autres, collectivement. Une lucidité collective, une collectivité libre, mais toujours locale arcboutée sur un problème, sur un pouvoir, car il n'y a pas de solution générale, puisqu'il n'y a pas le pouvoir, mais des micro-pouvoirs.